Interview de Manu par Brok’n’Doll pour French Metal
Bonjour,comment décririez-vous Mindlag project aux lecteurs de French Metal?
Et bien je dirais que c’est un projet réunissant cinq passionnés de musique, et en particulier de metal. C’est un projet conceptuel, centré sur le récit de la vie de Jon De Grimpclat, un sombre professeur de langue ancienne, qui se révèle être un meurtrier, sous son apparente normalité.
Le groupe a été crée en 1999, et nous évoluions avec le même line-up depuis 2001, jusqu’à ce que Romain nous rejoigne au violoncelle l’année dernière.
Vos productions ont un fil conducteur: la mythologie grecque, pouvez-vous nous en dire davantage sur ce sujet?
En effet, c’est une constante chez nous. D’une part, comme je le disais, Jon est un professeur de langues anciennes, il est donc logique que la mythologie fasse partie intégrante de notre récit, et puis c’est un esthète, il aime la culture et son raffinement… D’autres part, l’utilisation de la mythologie grecque nous confère la possibilité de manipuler des symboles, et c’est quelque chose qui est universel. Je pense que c’est notre façon de viser une certaine universalité, qui aille bien au delà de la barrière de la langue. Nous avons pu constaté que l’homme a besoin de ces symboles pour s’identifier, pour transmettre des valeurs, et je pense aussi qu’ils recouvrent une bonne dose de mystère, et c’est aussi cela qui nous interpelle.
Nous dissocions bien l’homme de l’humanité, qui n’est que le vecteur de nos connaissances accumulées, et je pense que la mythologie et ses symboles fascineront toujours l ‘homme, car ils le mettent justement en face de l’humanité, de son passé donc, sans qui il serait encore dans une caverne, en train de dévorer un bison froid avec les mains (rires).
Mindlag project est nourri de vos influences respectives, pouvez-vous nous éclairer un peu plus sur celles-ci?
Nous sommes assez ouverts musicalement, nous écoutons tous beaucoup de choses diverses, et je pense que nous avons à peu près les mêmes goûts. Dans les grandes lignes, nous sommes influencés par le heavy metal et le thrash principalement, par certains aspects du death, voire du black metal. Nous avons aussi pas mal d’affects avec le mouvement punk hardcore, car le message originel qui s’en dégageait est quelque chose de très fort. Nous sommes aussi très influencés par le rock en général, et en particulier par le rock progressif, notamment Pink Floyd ou encore les premiers Genesis. Je crois que cette fascination pour ce qui est conceptuel vient en grosse partie de ce mouvement.
Nous aimons les beaux textes, et donc les chanteurs à textes francophones que sont Brel, Ferré, Brassens, Gainsbourg….et bien sur nous sommes férus de littérature et de cinéma, qui tient une grande place dans nos influences.
Mais nous n’accordons aucune forme d’importance au style dans lequel nous évoluons, nous trouvons que c’est réducteur d’apposer une étiquette sur quelque chose d’aussi personnel que de la musique.
Depuis 2001, le line-up s’est stabilisé, 4 sorties à votre actif, que tirez-vous de votre parcours?
Nous sommes heureux d’être toujours là, ensemble, de plus en plus motivés par notre concept, qui nous a littéralement emporté avec lui.
Tout n’a pas été très facile pour nous, nous avons fait beaucoup de sacrifices pour continuer à faire ce que bon nous semblait. C’est très difficile à l’heure actuelle d’essayer de faire une carrière dans la musique sans entendre qu’on est immature, ou fainéant…. Mais ce qui ne tue pas nous renforce selon Nietzsche (rires)
D’un point de vue strictement musical, je pense que nous nous sommes rapprochés de ce que nous voulions faire depuis nos débuts, en nous donnant les moyens de jouer sur le matériel qui nous correspond le mieux, en mettant au point des méthodes de travail, et surtout, en essayant d’être sincère un maximum avec notre musique.
Nous savons que l’image que l’on se donne compte parfois plus que l’intégrité de sa musique de nos jours, mais nous avons pris le parti d’être ce que nous sommes sans jouer la farce de la rock star à mèche, quoiqu’il nous en coûte….
Comment avez-vous ressenti votre dernière expérience en studio, qu’est-ce qui différencie votre travail des précédents?
Ce fût passionnant, et très éprouvant pour le coup, car nous avons été intransigeants envers nous même. Christian Carvin a fournit un travail inhumain pour rendre ce que nous avions en tête. Je garde un superbe souvenir de cette collaboration, qui même si elle a été parfois difficile, car longue, et parsemée de remises en question, nous a permis d’atteindre notre but.
Nous pouvons dire que nous avons trouvé notre son et notre identité par la même occasion avec cet album, et que c’est ce qui ressemble le plus à ce que nous sommes à l’intérieur.
Je suis très fier de cet album avec le recul.
Dans quelle optique êtes-vous par rapport à la sortie de votre album?
Nous espérons que ce sera l’album de la reconnaissance, mais c’est très difficile de faire des pronostics à ce sujet. Nous nous battons pour défendre le mieux possible cet album, et nous voulons toucher un maximum de personnes, car c’est plus qu’un simple album couché sur une rondelle pour nous, c’est notre combat, celui que nous menons au nom de l’art, pour que la sincérité subsiste, et ne croule pas sous le poids du marketing. Nous voulons tourner un maximum, car tout passe par là, et partager de bons moments avec notre public, c’est notre souhait le plus cher pour l’heure.
J’ai fait la chronique de votre album il y a peu, quels sont, selon vous, les atouts majeurs de cette oeuvre?
La sincérité. Je pense que c’est la force de cet album, car c’est vraiment le seul compliment objectif que je puisse nous faire, le reste est tellement subjectif. Notre concept et notre musique peuvent aussi bien fasciner qu’insupporter, mais c’est une bonne chose à mon avis, tant qu’il ne laisse pas indifférent. Pour qu’une oeuvre soit réellement viable à mes yeux, il faut qu’elle vienne des tripes, et c’est ce de quoi cet album est fait.. Tout le reste me paraît accessoire, que cela concerne la technique, le style ou encore le fait que l’on soit à la mode ou pas.
Romain Dallier, le violoncelliste du groupe, dépose ici une touche toute particulière, qu’apporte selon-vous cet atout majeur?
A la base, nous avions contacté Romain pour travailler sur les arrangements cordes de cet album. Je voulais que les cordes lient les chansons entre elles en utilisant ce que l’on appelle des leitmotivs dans la musique classique. Ce sont des phrases musicales qui incarnent des personnages ou des idées, et nous les avons déclinés tout au long de l’album pour suggérer certaines choses dans le récit. Romain apporte donc une cohérence aussi bien musicale que conceptuelle. Il apporte aussi une couleur classique, qui correspond au côté « Dandy » de Jon. Je pense que cela évoque parfaitement son goût pour le raffinement, en tout cas c’est comme cela que je perçois la chose.
J’ai eu l’agréable sentiment de lire un livre à l’écoute de cet album, comment avez-vous travaillé pour offrir un tel ressenti?
C’est probablement en partie grâce à l’utilisation de ces fameux leitmotivs, mais de toute façon, j’ai écrit le récit de l’album avant la phase de composition proprement dite. Nous avions donc en tête les ambiances, les sentiments que nous éprouvions face à ce récit, et nous voulions à tout prix que la composition serve celui-ci. Nous avons fait en sorte que nous ayons l’impression de raconter une histoire en jouant l’album. Nous somme d’ailleurs tenter de jouer tout l’album dans l’ordre quand nous choisissons notre set-list (rires)…Malheureusement ce n’est pas toujours possible.
Pouvez-vous nous parler davantage de la construction du morceau « Cayenne », qui est pour moi un bon reflet de votre album?
C’est une sorte de chanson épistolaire. Le frère de Jon, qui est un marin au long court, lui envoie une lettre de Cayenne, pour lui expliquer sa situation écologique et politique, qu’il trouve alarmante. Par la suite c’est une sorte de dialogue entre les deux protagonistes, mais qui n’est pas réel. J’ai voulu évoquer la transmission de pensée qui existe entre deux frères, c’est un clin d’œil à la complexité musicale que je partage avec mon frère.
Cette chanson est en effet un reflet de notre façon de composer, car chaque instant musical vient appuyer notre ressenti sur le problème amazonien. Tout d’abord nous plantons le décor, comme pour inciter l’auditeur à fermer les yeux, et à imaginer cet endroit. Nous ne voulons pas moraliser non plus, nous voulons juste interpeller l’auditeur, faire en sorte qu’il regarde ce qui se passe là-bas, de lui même. Je n’aime pas qu’on me dise quoi penser personnellement, et je n’ai pas envie d’imposer quoique ce soit au public. Mais je pense que nous ne devons pas fermer les yeux sur certains problèmes. J’ai entendu beaucoup de gens s’offusquer du mauvais traitement de la forêt Amazonienne par les américains du nord, et j’ai eu l’impression que certains avaient oublié que nous en possédons un morceau, payé au prix de la colonisation, et que l’orpaillage et l’alcool n’épargnent pas les amérindiens « français » non plus… Je pense que le manque de respect et les idées reçues sont à la base de presque tous les maux du monde, et même si notre seul pouvoir est d’en faire une chanson, nous tenions à en parler, même si nous faisons aussi partie du problème comme tout un chacun qui habite dans un pays riche.
Le chant s’est, selon moi, nettement diversifié et a particulièrement mûri, que pensez-vous de cette remarque?
Je prends ça pour un compliment ! (rires) Plus sérieusement, nous avons beaucoup travaillé, et essayé de nous rapprocher de ce que nous étions vraiment, de ne pas essayer de travailler quoique ce soit en fonction de l’extérieur, mais plutôt de l’intérieur. La voix est une des rares choses qui nous rendent unique, nous avons donc recherché à interpréter les textes de façon plus personnelle qu’auparavant.
Le fait que cela soit plus diversifié découle de cette démarche je pense, car dans un récit, il n’y a pas de place pour la monotonie. Et puis c’est notre premier véritable album, il dure près de 70 minutes, nous avions plus de choses à dire !!
Mindlag project est un monde à part entière, même si vous n’avez que faire du « qu’en dira t-on », comment vous voyez-vous dans la scène métal française?
Je trouve la scène metal de notre pays assez éparse. Il y a beaucoup de bonnes choses, mais j’ai l’impression que l’on éprouve le besoin de classifier la musique dans des boites, de viser une tranche d’age, ou un type de personnalité… Il y a des groupes dont la réussite force le respect, car ils ont su resté intègres, au delà des préconisations de ceux qui sont sensés débusquer les nouvelles sensations, et pour moi, c’est cette façon de faire qui représente l’avenir de la musique Française. Je pense qu’il faut s’adresser directement au public avec ses tripes, il en fera ce qu’il veut, mais ne se sentira pas instrumentalisé comme si on essayait de lui vendre « une nouvelle voiture qu’elle est bien pour la conduire », ou « une lessive qui lave plus blanc que blanc »…
Nous croyons en ce que nous faisons, et si nous devons rencontrer le succès, nous voulons que cela soit grâce à ce que nous sommes, et pas parce que nous nous seront transformer en un produit aussi vénal qu’éphémère…
La musique est source d’émotions, vos paroles sont poignantes, que souhaitez-vous que les gens ressentent à l’écoute de votre album?
Nous voulons qu’ils se sentent en vie. Notre musique est à l’image de celle-ci, avec ses angoisses, ses doutes, ses pleurs, ses rires, ses rêves et ses cauchemars….
A travers l’autopsie de l’esprit de Jon, nous voulons que chacun retrouve une partie de lui-même… car nous sommes tous potentiellement des meurtriers. Et surtout nous sommes tous potentiellement capables de foutre notre vie en l’air…La musique est notre catharsis, la soupape qui nous permet de rester sereins, et de ne pas nous laisser emporter par nos instincts violents. Ca rejoint la Grèce antique encore une fois : nous animons nos démons dans notre théâtre, cela nous soigne…puisse-t-il aussi soigner nos auditeurs !
Quels sont vos projets pour 2009? Pouvez-vous nous dire quelques mots concernant vos ambitions scéniques?
Nous voulons tourner le plus possible pour passer le plus de moments avec notre public, c’est notre souhait le plus cher, et nous espérons que notre façon de voir la vie saura trouver un écho parmi le public français, et que nous pourrons faire de notre passion notre métier, car nous savons que nous sommes fait pour ça.
Je vous laisse les mots de la fin..Les plus durs (rires)
C’est sa fin qui donne un sens à toute chose… En tout cas merci pour ce bon moment passé ensemble, à bientôt sur les routes, et sur la prochaine compilation French Metal !
Et merci à toi Elodie, ainsi qu’a toute l’équipe pour votre soutien indéfectible à la scène metal Française !
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